J-10 – Lundi 18 février 2018 – édition n°01
Le report de 5 mois annoncé par la Direction Générale du Travail pour prendre le temps de modifier le décret du 9 mai 2017 avant son entrée en application reste annoncé au plus tôt le 1er mars 2019. Il s’agit pour les autorités de modifier le décret tombé en désuétude depuis le 1er octobre 2018 en publiant un calendrier prévisionnel de la publication des arrêtés spécifiques à chacun des domaines d’activités suivants:
« 1° Immeubles bâtis ;
« 2° Autres immeubles tels que terrains, ouvrages de génie civil et infrastructures de transport ;
« 3° Matériels roulants ferroviaires et autres matériels roulants de transports ;
« 4° Navires, bateaux et autres engins flottants ;
« 5° Aéronefs ;
« 6° Installations, structures ou équipements concourant à la réalisation ou la mise en œuvre d’une activité.
Les arrêtés doivent aborder plusieurs sujets, tels que fixés par ledit décret.
En premier lieu, chacun des arrêtés doit préciser « les conditions dans lesquelles la mission de repérage est conduite, notamment s’agissant de ses modalités techniques et des méthodes d’analyse des matériaux susceptibles de contenir de l’amiante »
En second lieu, ces arrêtés doivent préciser « à quelles conditions les documents de traçabilité et de cartographie disponibles ou les recherches d’amiantes effectuées en application des lois et règlements ou à l’initiative des intéressés sont regardés comme satisfaisant à l’obligation de repérage ».
En troisième lieu chacun des arrêtés précise, pour le domaine d’activité concerné, les « qualifications et moyens nécessaires à l’exercice de cette mission » dont doit disposer l’opérateur de repérage.
En quatrième lieu, chaque arrêté précise les conditions dans lesquelles le « Donneur d’Ordre » est autorisé à faire « procéder au repérage au fur et à mesure de l’avancement de l’opération lorsque le repérage ne peut être dissocié de l’engagement de l’opération elle-même pour des raisons techniques communiquées par l’opérateur de repérage ».
En cinquième lieu, les arrêtés précisent le contenu du « rapport retraçant le repérage concluant soit à l’absence soit à la présence de matériaux ou de produits contenant de l’amiante ». En cas de présence de matériaux ou de produits contenant de l’amiante, les arrêtés préciseront comment le rédacteur devra décrire « leur nature, leur localisation ainsi que leur quantité estimée ».
A lire le contenu des « précisions » attendues, on comprend que chacun des arrêtés devra forger le profil des opérateurs de repérage habilités à procéder au fameux Repérage Amiante Avant Travaux Ultérieurs.
Or ces précisions doivent être négociées par la DGT avec chacune des autres « directions » concernées dans les ministères de tutelles, à savoir ceux « chargés de la santé, de la construction, des transports et de la mer« .
D’autant que les représentants de la DGT siégeant dans les diverses commissions normatives ont maintenu leurs exigences de voire citées les normes rédigées concomitamment pour la conduite des missions de repérage dans chacun des domaines d’activité.
A postériori, on peut relever que le délai maximum de 15 mois fixé par le décret du 9 mai 2018 était bien sous estimé, alors même qu’aucune des normes concernées n’étaient publiées.
Pire, seule la norme NF X46-020 était en phase finale de rédaction, alors que les autres ne feront l’objet d’une commission normative que fin 2017.
Mais les déboires des dites commissions ne doivent pas cacher les divergences d’intérêts susceptibles de retarder la bonne collaboration entre les Directions Ministérielles.
Concernant le texte du décret fondateur, trois notions rédhibitoires devront être précisées par chacun des arrêtés: la quantification des MPCA, la qualification des opérateurs et le seuil de déclenchement d’une mission de repérage.
Concernant plus précisément le domaine d’activité dit de « l’immeuble bâti », ces précisions ne pourront s’appuyer sur la norme NF X46-020.
En effet, malgré que cette norme, avant sa dernière version publiée en aout 2017, fut remodelée pour passer sous les fourches caudines de la DGT, aucune des trois notions n’y est abordée.
Sur la quantification des MPCA
Il faut rappeler que cette notion est apparu dans une des premières versions du décret lors de tentatives de publication infructueuses. La notion de « quantité estimée » d’un MPCA est totalement étrangère au corpus normatif de la NF X46-020. Non par oubli, mais par consensus entre les professionnels y siégeant.
En effet, depuis les prémices de la rédaction de la première version de la norme homologuée en novembre 2002, la limite entre les missions de repérage et de maitrise d’oeuvre étaient clairement entendues. L’opérateur de repérage ne devait en aucun cas outrepasser sa mission, même s’il disposait par ailleurs de compétence en économie de la construction. Car cette estimation de quantité est basée sur l’application de moyens spécifiques, permettant au professionnel compétent de garantir ses calculs. Elle est habituellement réservée aux acteurs de la maitrise d’oeuvre, assurée pour ce type de mission. Dès lors, les « contrôleurs techniques », exclus du champ de la maitrise d’oeuvre, pouvaient s’engager dans celui du « repérage amiante »…
Quant à l’argument tant évoqué par les représentants de la DGT lors des interventions publiques, à savoir que le « diagnostic déchets avant démolition » est bien réalisé par des diagnostiqueurs habilités à estimer des quantités, et que donc, rien n’empêcherait ces mêmes diagnostiqueurs de réaliser le repérage amiante avant travaux, il faut raison garder. Car ces « diagnostics », régis par l’arrêté du 19 décembre 2011, sous gouverne du Code de a Construction et de l’Habitation, ne concerne que certains immeubles, à savoir:
- Ceux d’une surface hors œuvre brute supérieure à 1 000 m ² ;
- Ceux ayant accueilli une activité agricole, industrielle ou commerciale et ayant été le siège d’une utilisation, d’un stockage, d’une fabrication ou d’une distribution d’une ou plusieurs substances dangereuses
Force est de constater que ces missions sont rares et que vu les exigences, réalisées par des cabinets spécialisés et assurés pour ce type de mission. En effet, ce diagnostic déchets avant démolition doit permettre à la maitrise d’ouvrage d’évaluer le cout du traitement des déchets, « préalablement au dépôt de la demande de permis de démolir si l’opération y est soumise, ou à défaut, préalablement à l’acceptation des devis ou à la passation des marchés relatifs aux travaux de démolition« . Dès lors, le diagnostiqueur est de facto attaché au maitre d’ouvrage et assumera civilement les erreurs de quantité, les oublis de qualification…
Sur la qualification des opérateurs de repérage
Ceci étant exposé, il est opportun de remarquer qu’aucune exigence de qualification ou de certification n’est exigible pour la réalisation de ces « diag déchets avant démolition » alors même qu’ils sont bien plus approfondis que les repérages amiante avant démolition imposés par le Code de la Santé Publique.
Par ailleurs, il est tout aussi opportun de noter que les critères de certification des diagnostiqueurs immobiliers réalisant des missions imposées par le Code de la Santé Publique n’ont jamais pris en compte la mission de repérage amiante avant travaux, bien que celle ci soit couverte par le domaine d’application de la norme NF X46-020.
Pire, un diagnostiqueur immobilier disposant d’un Certificat Amiante ne peut en aucune manière justifier de sa compétence pour réaliser des missions de repérage avant travaux. Et à l’inerte, les missions réalisées hors du cadre dudit certificat, ne pourront être comptabilisées ni présentées au certificateur en vue du renouvellement de sa certification.
Donc au mieux, par souci d’information, le projet d’arrêté devrait pouvoir comporter cette précision: « Les personnes répondant aux conditions posées par les dispositions de l’article L. 271-6 du code de la construction et de l’habitation » sont réputées disposer des « qualifications et moyens nécessaires à l’exercice de cette mission », sans pour autant interdire l’exercice à « tout autre technicien de la construction assuré pour ce type de mission ».
Il serait hasardeux d’ailleurs de privilégier l’une ou l’autre catégorie de certification, avec ou sans mention, pour la réalisation de tel ou tel type de travaux.
Quant au recours à la norme sur le repérage amiante, il n’est ici d’aucun secours. Car si la norme définit l’opérateur de repérage comme la « personne physique qui réalise une mission de repérage de l’amiante dans un immeuble bâti dans le cadre d’une commande », elle précise simplement que cette personne doit justifier « de compétences en techniques de la construction et d’une assurance pour ce type d’activités. La réglementation précise les missions de repérage qui doivent être réalisées par des opérateurs certifiés par un organisme accrédité. »
Or, malgré de nombreux débats au sein de la Commission X46D, les experts AFNOR n’ont jamais pu s’entendre pour définir le contenu et le niveau minimal des compétences attendu en matière de techniques de la construction, laissant ainsi aux assureurs de se prononcer.
Dès lors, il serait opportun de vérifier le profil des opérateurs de repérage réalisant à ce jour les missions de repérage avant travaux.
Sur le seuil de déclenchement du repérage amiante avant certaines opérations…
A priori, le Direction Générale du Travail ne sait jamais exprimée sur la question. Toute intervention susceptible de provoquer la libération de fibres d’amiante est assujettie à l’obligation d’une évaluation des risques, sauf à constater l’absence d’un « contrat » entre les protagonistes. En effet, le particulier agissant pour son propre compte, sans recourir aux services de travailleurs placés sous ses ordres ou ceux d’une entreprise intervenante, ne dépendra pas des prescriptions du Code du Travail. Même s »il réquisitionne ses enfants, ses parents…
A contrario, toute « opération » menée sous couvert du code du travail dépendra directement de la section traitant de l’exposition (des travailleurs) au risque amiante, quelque soit la valeur des critères économiques, financiers, technologiques.
Ainsi, le particulier commandant des travaux à un entrepreneur, quelque soit le montant du devis, est assimilé à un « donneur d’ordre ».
C’est la position prise dans la note du DGT daté du 19 janvier 2017, pour ce qui concerne la sous section 3. La position devrait être extensible à l’ensemble des opérations visées par les articles R.4412-97 et suivants.
S’il n’a jamais été question de définir un montant minimum de travaux entrainant l’obligation de l’évaluation des risques dans les couloirs du Ministère du Travail, il n’en va pas de même dans ceux du ministère du Logement.
En effet, tant que l’obligation de procéder à une évaluation des risques était cantonnée dans l’escarcelle de l’artisan, la Direction de l’Habitat, de l’Urbanisme et du Paysage, en charge de la sphère réglementaire des diagnostiques immobiliers ne semblait pas s’en préoccuper. Mais aujourd’hui, quant il s’agit de responsabiliser les « Donneurs d’Ouvrage », la DHUP semble prête à écouter les représentants des propriétaires, affolés par leurs nouvelles responsabilités.
Dès lors, le bruissement des couloirs de la Tour SÉQUOIA semble faire écho à une proposition de limiter le déclenchement de la fourniture d’un RAATU au dessus d’un certain seuil de travaux…
En dessous de cet hypothétique seuil, la responsabilité reviendrait uniquement aux professionnels, charge à eux d’inclure dans leurs devis une provision pour leur propre évaluation des risques…
Or nombre d’exemples pourraient être fournis par la DGT qui démonterait que par exemple le remplacement d’une chaudière à 1€ est parfois plus risqué qu’un bouquet énergétique à 30 000€.
Du coté de la DGS, c’est silence radio? Quel argument pourrait invoquer une assistante maternelle à qui l’ARS a susurré de commander à ses frais, un diagnostic de présence de plomb dans les peintures, et qui découvre accidentellement la présence d’amiante dans les enduits, suite à un plainte d’un de ses anciens nourissons?
Donc à ce jour il n’est pas envisagé de seuil financier en dessous duquel la réalisation de travaux permettrait aux Donneurs d’Ordre de s’exonérer de leurs futures obligations…
Par contre le seuil technologique existe bel et bien. En effet, toute sollicitation de revêtements de paroi peut être classée en action passive ou active.
Le nettoyage de dalle vinyle-amiante, après prise en compte du contenu de la « Fiche Récapitulative » du DTa et des « conditions générales de sécurité », peut être effectué par du personnel ne disposant pas d’attestation de compétence amiante. Le mode opératoire décrit dans la procédure d’intervention justifiera alors que l’analyse des risques conclue en l’absence de risque de mise en suspension des fibres d’amiante, de type OMS…
A l’opposé, tout remplacement de barre de seuil, acte de maintenance et non pus d’entretien, sera lui soumis à un mode opératoire SS4, même si le processus requis présence un niveau d’exposition attendu inférieur au seuil de la santé publique.
En conclusion, ne serait-il pas fort opportun que les projets d’arrêtés soient publiés à titre de concertation auprès des organismes professionnels, tout comme le sont les projets de normes, soumis à enquête publique?
Ainsi, en cas de situation pré-litigieuse, la DGT pourrait désamorcer tout recours ultérieur en tenant compte des remarques judicieuses.
Luc BAILLET, secrétaire de RésoA+