CONSTAT
L’inefficacité congénitale du Constat Vente amiante
Le Constat Vente Amiante est né le 5 mai 2002. Naissance au forceps pour ce diagnostic prématuré à qui le Réglementeur a du faire une place in extremis dans le décret fondateur 96-97 modifié.
Pour bien comprendre le contexte de cette chimère, il faut se souvenir du contexte historique dans lequel était plongé le secteur de la prévention des risques pour la population face à l’émergence des procès de victimes de l’amiante.
Il faut se souvenir que l’affaire de l’air contaminé a émergée médiatiquement en 1994, suite au décès d’un sixième enseignant du lycée professionnel de Gérardmer, dans les Vosges.
AMIANTE SUSPECTE AU LYCÉE APRÈS UN NOUVEAU DÉCÈS
Mardi, 23 Août, 1994 – L’Humanité
UN sixième enseignant du lycée professionnel de Gérardmer, dans les Vosges, est décédé d’un cancer, samedi, à l’âge de cinquante-six ans. François Claudel était le père de trois enfants. Sa famille, dit-on, pourrait porter plainte contre X, comme l’ont fait les veuves de quatre des cinq enseignants du même lycée décédés de la même maladie ou d’une sclérose.
Ces dernières ont saisi le juge d’instruction de Saint-Dié pour homicide involontaire. Elles notent que toutes ces personnes, pendant des années, ont donné des cours dans ce lycée professionnel industriel, spécialement dans un atelier dont la couverture aurait contenu de l’amiante. (…)
https://resoaplus.fr/urgence-dans-les-ecoles-vers-une-charte-de-competence-collective/
À la fin de 1983, l’Organisation mondiale de la santé (OMS.) recensait 267 cas de sida dans les pays membres de la CEE. La France en compte 92.
Il faudra attendre novembre 1995 pour que le conseil des ministres décide de mettre fin au règne de « l’usage contrôlé de l’amiante » instauré via le Comité Permanent Amiante en 1986, suite aux premiers soubresauts du milieu des années 1970.
« En 1976, le collectif des ouvrières d’Amisol demande à rencontrer le toxicologue Henri Pézerat. Celui-ci vient de lancer avec ses collègues une mobilisation autour des risques liés à l’amiante à l’Université Jussieu où il est employé, et dans d’autres sites employant de l’amiante. Il les informe des dangers auxquels elles ont été exposées. (source wikipédia/amisol) »
Il est vrai que les différentes crises sanitaires du SIDA, du sang contaminé, de la vache folle ont entaché la devenue célèbre bannière des élus et des scientifiques « responsables, mais pas coupables ».
Donc, le 7 février 1996, deux décrets jumeaux sont portés sur les fonds baptismaux de la protection des populations, dont celle des travailleurs.
Le grand recensement de l’amiante est lancé concomitamment par les deux secrétariats du ministère du Travail et des Affaires Sociales, sous la Présidence de Jacques CHIRAC. Ainsi le décret 96-97, dit décret « santé » est pris en regard de l’article L1 du Code de la Santé Publique qui fixe « les règles générales d’hygiène et toutes autres mesures propres à préserver la santé de l’homme », notamment en matière « de prévention des maladies transmissibles » et « de salubrité des habitations, des agglomérations et de tous ». Le texte instaure la constitution d’un « Dossier Technique ».
Le programme initial concerne les matériaux friables contenant de l’amiante, et parmi eux les flocages et les calorifugeages. Un calendrier fixe les délais pour effectuer le recensement en prioritairisant celui des établissements d’enseignements construits avant 1950 qui doivent donc être « inspectés » avant le 01/01/98. Les échéances courent jusqu’au 31/12/99 pour l’inventaire des seuls calorifugeages présents dans le immeubles construits après le 1er janvier 1980. La recherche doit être menée avec des moyens suffisants, le cas échéant en pratiquant des travaux destructifs.
Les immeubles ne comportant qu’un seul logement ne sont pas concernés.
L’interdiction totale de transformation de l’amiante, de fabrication ou de vente de produits en contenant n’interviendra qu’au 1er janvier 1997.
Constater la présence de l’amiante au moment de la vente n’était pas une procédure légitime, aux yeux des concepteurs de la nouvelle réglementation amiante. C’est le principe de maitrise des risques dans des situations d’usage qui a été la priorité du Ministère.
Les propriétaires d’immeubles doivent « recenser » la présence d’amiante et en informer les « chefs d’établissement » qui prendront alors les précautions qui s’imposent, le cas échéant, pour protéger les travailleurs.
SOLUTION
Un DTA pour tout immeuble bâti, avant le 01/02/2021.
Pour mieux comprendre l’inefficience du dispositif « constat vente », il faut se rappeler les origines du diagnostic de présence de plomb dans les peintures. C’est la loi 98-657 du 29 juillet 1998, qui instaure des « mesures d’urgence contre le saturnisme ». L’article L32-5 du Code de la Santé Publique impose d’annexer « un état des risques d’accessibilité au plomb » à toute promesse unilatérale de vente ou d’achat, à d’un immeuble affecté en tout ou partie à l’habitation, construit avant 1948 et situé dans une zone à risque d’exposition au plomb délimitée par le Préfet.
En 1999, les surveillants de la salubrité dans les logements entament la rédaction de la loi relative à la « Solidarité et au Renouvellement Urbains ».
Publiée le 13 décembre 2000, la loi impose un nouvel L.1334-7 dans le CSP :
« Un état mentionnant la présence ou, le cas échéant, l’absence de matériaux ou produits de la construction contenant de l’amiante est annexé à toute promesse unilatérale de vente ou d’achat et à tout contrat réalisant ou constatant la vente de certains immeubles bâtis. En l’absence de l’état annexé, aucune clause d’exonération de la garantie des vices cachés ne peut être stipulée à raison des vices constitués par la présence d’amiante dans ces éléments de construction. »
Il est à noter qu’à cette époque, la question de l’extension du programme de repérage amiante est abordée dans les couloirs ministériels, notamment depuis le démarrage des travaux de la Commission AFNOR X46D.
Mais les consignes sont claires : le nouveau texte « santé publique » en préparation n’évoquera que deux époques de la vie de l’immeuble bâti : sa maintenance et la fin de sa vie. Ainsi se profilent le Dossier Technique Amiante et le Repérage Amiante avant démolition. Une fois les DTa réalisés, ils pourront être transmis à l’occasion de toute mutation de l’immeuble.
Ainsi raisonne le Réglementeur à l’aube de la rédaction du Décret 2001-840, entré en vigueur le 19 septembre 2001. Dans la foulée, l’arrêté du 2 janvier 2002 décrit les conditions de mis en oeuvre du repérage avant démolition.
Au printemps 2002, le repérage de matériaux et produits contenant de l’amiante concerne deux types précis de mission : « le repérage en vue de la constitution du dossier technique «amiante» et le repérage en cas de travaux, y compris en cas de démolition ». La figure 1 prévoit deux colonnes pour l’inspection visuelle. Seule la colonne « repérage avant travaux » mentionne la possibilité de procéder à des « sondages destructifs ».
C’est dans ce contexte que se déroulent les élections présidentielles de 2002.
Sans attendre l’issue du second tour, le Réglementeur s’empresse de liquider les dossiers en cours et injecte en urgence le « constat vente » en modifiant le dernier décret attendu pour ajuster la constitution des DTA.
Dès lors s’impose la question de l’harmonisation des textes. Si la « Fiche Récapitulative du DTa » constitue « l’Etat de présence d’amiante » requis lors de la vente d’immeuble d’habitation collective, il faut créer un document similaire pour les propriétaires d’immeuble ne comportant qu’un seul logement, à savoir les « particuliers » écartés jusqu’alors de toute obligation réglementaire en matière d’amiante. Ainsi la messe est dite, et dans la précipitation, le « constat vente amiante » sera établi selon les mêmes consignes et le même programme de repérage que le Dossier Technique amiante. Or le DTa n’a jamais été conçu pour exonérer le propriétaire de la garantie des vices cachés, mais comme un registre de traçabilité des « composants amiantins de la construction », avec obligation de mise à jour à l’occasion de découverte de tout type de matériaux ou produits en contenant lors de travaux, y compris en cas d’investigations destructives.
Ainsi, les oracles, distraits par les rumeurs électorales, ont créé une chimère, à savoir la constitution d’un « constat des vices apparents » supposé exonérer la « garantie des vices cachés ». En effet, si l’ERAP est bien un « Etat des Risques d’Accessibilité au plomb », comment se satisfaire d’un repérage amiante basé sur un programme et des moyens d’investigations qui ne permettent pas de révéler les vices cachés ? Dès lors, en cas de découverte d’amiante dans des éléments figurant à l’annexe 13-9 postérieurement à la vente, l’effet de ce dispositif apparaît bien « toxique ».
Pour remédier à cette aberration, une solution simple serait d’étendre l’obligation de constitution du DTa à tous les immeubles bâtis, notamment à l’occasion de la mise en vente, mais aussi de toute mutation, ou encore de leur mise à la location, avant le 1er février 2021.C’est ce que tente de mettre en place insidieusement l’arrêté du 16/07/19 en imposant un Dossier de Traçabilité Amiante, même chez Madame MICHU.