N°03 : DÉNONCER L’IGNOBLE MONOPOLE DU RAAT

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CONSTAT : 

La trouble occurrence de la certification « avant travaux »

On se souvient que c’est le dédret 96-98 du 7 février 1996 qui a modifié sérieusement les procédures d’interventions en présence d’amiante. Pris en amont de l’interdiction généralisée de manufacturer des produits à base d’amiante, ce décret prévoyait trois catégories de situation de travail. 
Pour l’ensemble des activités, il était rappelé en article 2, que « Le chef d’établissement concerné doit procéder à une évaluation des risques afin de déterminer, notamment, la nature, la durée et le niveau de l’exposition des travailleurs à l’inhalation de poussières provenant de l’amiante ou de matériaux contenant de l’amiante. Cette évaluation doit porter sur la nature des fibres en présence et sur les niveaux d’exposition collective et individuelle, et comporter une indication des méthodes envisagées pour les réduire. »

La section 1 concernait les « Activités de fabrication et de transformation de matériaux contenant de l’amiante ». Pour cette section, le repérage amiante paraît inadapté.

La section 2 portait sur les « Activités de confinement et de retrait de l’amiante » (aujourd’hui  sous section 3).

Pas de spécificités relatives aux résultats du repérage amiante avant travaux qui apparaît alors comme une charge « métier ».

Quant à la section 3, elle s’intéressait aux « Activités et interventions sur des matériaux ou appareils susceptibles d’émettre des fibres d’amiante ».

Pour ces activités et interventions, « le chef d’établissement » était tenu : 

  1. De s’informer de la présence éventuelle d’amiante dans les bâtiments concernés avant tout travail d’entretien ou de maintenance ; à cet effet, le chef d’établissement est tenu de demander au propriétaire des bâtiments les résultats des recherches et contrôles effectués par ce dernier sur les flocages et calorifugeages, conformément aux dispositions du décret du 7 février 1996 susvisé relatif à la protection de la population contre les risques sanitaires liés à une exposition à l’amiante ;
  2. D’évaluer, par tout autre moyen approprié au type d’intervention, le risque éventuel de présence d’amiante sur les équipements ou installations concernés.

La charge du « diagnostic à pied d’oeuvre » lui était acquise et dévolue. Pas question ici de doute sur son impartialité, de soupçons de dépendance avec le propriétaire des lieux ou des machines, sachant que la notion de « Chef d’établissement » désignait à cette époque, les deux catégories d’entreprises, à savoir l’entreprise utilisatrice et l’entreprise intervenante.

Dès lors, l’évaluation des risques amiante étaient basée sur l’étude documentaire fes éléments fournis par le donneur d’ordre, mais aussi sur la prise en compte de sa propre recherche personnelle en cas de doute.

A l’été 2019, le nombre d’opérateurs de repérage amiante, spécialisés dans le diagnostic immobilier, était estimé à 8 000 techniciens disposant d’une certification adéquate. Parmi eux, environ 40% détenaient une « certification avec mention » les autorisant à effectuer des missions complexes, notamment des repérages amiante avant démolition, des examens visuels des surfaces traitées, les Dta  « dans des immeubles de grande hauteur, dans des établissements recevant du public répondant aux catégories 1 à 4 définies à l’article R. 123-19 du code de la construction et de l’habitation, dans des immeubles de travail hébergeant plus de 300 personnes ou dans des bâtiments industriels ».

Or, si l’on peut penser que la réalisation d’un repérage amiante dans une friche industrielle vouée à la déconstruction doit requérir des compétences différentes et supérieures à celles pour dresser un constat à l’occasion de la vente d’un pavillon francilien de 50m2, il n’est pas évident que la mise à jour d’un DTa d’une centrale nucléaire soit plus complexe que le diagnostic avant rénovation d’une chambre de bonne installée en combles d’une traboule Lyonnaise. Dès lors, on peut s’étonner que la DGT ait modifié son approche initiale et confondu dans la rédaction de l’arrêté du 16 juillet 2019, l’exigence de compétences « bâtiment » avec celles de l’activité « immobilière ».(cf verbatim en page 4)

SOLUTION

Renouer la confiance entre les acteurs.

Mais le plus aberrant dans cette situation est d’avoir indirectement grippé le dispositif d’efficience. En effet, l’obligation de repérage amiante avant travaux étant étendue à toutes interventions, sans le moindre seuil de montant de travaux, provoque en moyenne, plusieurs centaines de milliers de repérages amiante annuels qui sont à envisager, depuis le 19 juillet 2019. Les 600 000 chaudières à 1€, les 2 millions de dégâts des eaux assurés, les 6 millions de radiateurs électriques à remplacer, les 10 millions de combles à isoler, les 50 millions de châssis vitrés à déposer… sans parler des remises en état locative…
Par inadvertance, l’opérateur de repérage qui, détenteur d’une certification amiante avec mention en cours de validité serait attiré par les sirènes du RAAT, risque fort de ne plus revenir vers l’ode immobilière.

Après quelques mois d’égarement, il risque fort de ne pas pouvoir répondre aux questions du sphinx certificateur. Car la période de contrôle sur ouvrage étant venue, ou même la simple ampliation de rapports de mission estampillés « CSP » étant exigée, l’absence de documents probants l’entrainera vers la suspension de son certificat. Car les rapports de missions de repérage avant travaux ne sont pas reconnus comme éléments de preuve de ses saines pratiques, pourtant certainement acquises. 

Ainsi, plus l’opérateur de repérage se spécialisera dans l’avant travaux, moins il pourra satisfaire aux exigences imposées par le code de la construction, indispensable à la certification attendue par le code de la santé publique.

Pire encore, à force de s’exercer à évaluer les quantités de MPCA, en fonction des processus d’intervention, il sera facile de prouver la dérive du rôle de diagnostiqueur vers celui de prescripteur. Mais alors, quid de l’indépendance impartiale exigée dans son code de bonne conduite ? Est-il d’ailleurs bien assuré pour effectuer des estimations calculées ?

Il est impératif de dénoncer ce leurre et revenir à l’esprit même du chantier et de la maitrise intrinsèque de la sécurité collective. La présence ou l’absence d’amiante dans les matériaux ou produits du bâti doit pouvoir être expliquée à tous les apprentis et compagnons, sans attendre le salut hypothétique de spécialistes exogènes au corps d’état. 

Ainsi la solution pourrait être justement l’orientation « métier » dans la formation à la maitrise des risques amiante, dite SS4. Si chaque compagnon pouvait déjà maitriser 90% des situations quotidiennes en réalisant son propre diagnostic, alors oui les quelques centaines d’ODI pourraient se consacrer aux 10% de situations complexes, comme celles combinant plusieurs domaines de compétences.

L’abandon de la certification de l’opérateur de repérage pour valoriser la formation continue, voire l’introduction d’un tutorat élémentaire, est la seule et unique chance de pérenniser une maitrise « à la source » des risques amiante, au fil de l’eau, le temps de réconcilier les acteurs du chantier. 

A bien regarder, c’est d’ailleurs ainsi que les autres domaines d’activités organisent l’émergence des cohortes d’opérateurs de repérage. Ainsi, pour le repérage d’amiante dans les navires, la certification immobilière est une simple équivalence au rayon prérequis, avec obligation de tutorat.

La solution serait donc d’extrapoler simplement ce qui est en place pour les navires, en modifiant l’arrêté du 16/07/19 avant le 01/07/20 ainsi:

Les opérateurs de repérage de l’amiante dans les immeubles bâtis doivent satisfaire aux exigences suivantes :
– soit être titulaire de la certification visée à l’article R.271-6 du CCH pour intervenir dans les immeubles et détenteur d’une attestation de compétence en estimation de quantité de MPCA;
– soit justifier d’une expérience d’au moins trois ans dans un poste technique relevant du domaine du chantier de la construction et détenteur d’une attestation de formation d’opérateur de repérage amiante, au sens de la norme NF X46-020- et dans tous les cas être détenteur d’une attestation de compétence à la maitrise du risque amiante adaptée au métier exercé et à son statut.