BENJAMIN FRACHON : UN CERTIFICATEUR, EXPECTATEUR

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AVERTISSEMENT: La présente interview a été réalisée à Ustaritz, le 9 novembre 2019, au lendemain de la signature de l’arrêté modificatif réintroduisant les certifications amiante avec et sans mention qui a été publié le 17 novembre au JO. Un droit de suite permettra ultérieurement de publier la seconde partie consacrée à la situation provoquée par la parution du nouvel arrêté.

QUI ETES VOUS BENJAMIN FRACHON ?

De formation comptable, Benjamin FRACHON a bifurqué vers le contrôle qualité, dans le domaine maritime, et a été amené à aborder la problématique amiante lorsque la société qui l’employait c’est diversifiée dans l’achat et la réhabilitation de zones industrielles. La première opération avait sur l’achat un ancien site de production d’Evrite. En 2006/2007 il s’est formé et lancé dans le diagnostic immobilier, puis pratiqué ceux de l’accessibilité et de la sécurité incendie, avant de compléter son arc par la corde « HACCP ». 

« Opérateur de diagnostic au sein de mon cabinet, j’ai très vite été amené à rencontrer Bruno BOTHURY qui travaillait alors avec Christophe COUSSE dans le cadre de la certification des ODI depuis 2007. A cette époque, le dispositif était à inventer, toutes les procédures furent forgées de toute pièces, avec recours à des « pointures » du métier. Ce fut une période motivante, riche en échange humain, en qualité de prestation intellectuelle » …

Aujourd’hui il assume la Direction Technique de LCC, promoteur et applicateur de la marque QUALIXPERT, et a mi fin à toute activité de diagnostic.

Quelles sont les directives que les Organismes de Certification peuvent appliquer depuis fin juillet 2019 afin de maintenir la certification des opérateurs de repérage amiante ?

Depuis le 25 juillet 2019, les OC doivent appliquer de nouveau l’arrêté du 21 novembre 2006, suite à l’annulation de l’arrêté modificatif du 25 juillet 2016. Benjamin FRACHON commente :

« La DHUP l’a rappelé à tous les OC, par couriel. A priori donc, épreuve rodée, plus facile à mettre en œuvre. Sauf que, sans avis du COFRAC, LCC a décidé de mettre en place deux dispositifs concurrents et concomitants.D’une part, la surveillance des ODI dont le certificat avait été délivré selon l’arrêté du 25 juillet 2016 est maintenue. D’autre part, la certification selon le référentiel antérieur est réactivée et proposée aux impétrants, voire aux certifiés qui choisissent d’écraser leur certification en cours et de repasser leur certification. Dans ce dernier cas, il est possible de considérer que le certificat amiante délivré selon l’arrêté de 2006 peut satisfaire le niveau « avec mention » dans la mesure où tous les certifiés peuvent à nouveau revendiquer la capacité de réaliser tout type de mission… »

Ainsi des certifiés « sans mention » avoue-t-il en off, font le pari de se placer d’office sur le marché réservé depuis 2016 aux certifiés « avec mention ». 

« Ce n’est pas à ce jour interdit, mais celles et ceux qui s’aventurent dans cette voie risquent d’avoir des surprises si les niveaux textes régularisant la situation transitoire », assène Benjamin FRACHON.

Car encore à ce jour, la situation n’est pas « encadrée » ?

Depuis Fin octobre (le 25 pour être précis), le COFRAC a écrit aux OC qui s’étaient inquiétés de cette situation en leur confirmant la possibilité de réactiver leur anciennes procédures bâties selon le référentiel de 2006, confirmant  indirectement les dires de la DHUP.

« Sauf que l’arrêté transitoire promis par la DHUP n’est toujours pas publié au JO, même s’il l’on nous affirme officieusement qu’il est à la signature des ministres. Or, est-il raisonnable de mettre en place une réglementation pour quelques semaines, sachant que le 1erjanvier 2020, le nouveau dispositif général de la certification des Opérateurs en diagnostic immobilier devrait entrer en vigueur ? »

Mais cet arrêté global ne risque-t-il pas d’être lui même attaqué devant le Conseil d’Etat ?

« C’est en effet probable, d’autant que l’arrêté du 1erjuillet 2018, qui aurait du entrer en vigueur au 1eravril 2019, est déjà attaqué pour d’autres motifs. Or ce texte, applicable pour les OC[i]et les OF[ii], a permis d’activer la refonte des dispositions générales et communes à l’ensembles des six certificats, et notamment l’articulation entre formations et certifications. Plusieurs Organismes de Formation disposent à ce jour des autorisations pour délivrer les enseignements indispensables à la montée en compétence des ODI. »

Et s’il advenait qu’un recours pouvait remettre en question cette « mutation », c’est bien l’ensemble des certifications qui seraient remises en question. De facto, le dispositif de sécurisation des ventes d’immeubles, de la surveillance des polluants et parasites du bâti, de l’information des occupants des logements seraient bloqué.

« Face à cette situation, j’avoue être personnellement perplexe, sans en dire plus… Car plusieurs encadrants d’OC déplorent le manque d’assistance, de répondant de la part de leurs ministères de tutelles. Et loin de moi de critiquer les « agents chargés de tel ou tel secteur », mais plus de regretter le désengagement des directions générales concernées depuis 2006. »

Rappelons qu’à cette époque, Alain JACQ[iii], maitre d’oeuvre de la certification des ODI, avait fait la promesse de désigner des « référents thématiques » pour chacun des.

 « Je mesure aujourd’hui le chemin parcouru. Où sont passés les représentants du gouvernement chargés de participer aux réunions des Comités Particuliers des OC ? Chez QUALIXPERT, depuis l’origine, nous avons invité systématiquement l’agent désigné, lui avons transmis des questions, des propositions d’amélioration du dispositif. Sans grand résultat. »

Mais alors, que faudrait-il faire pour sauver ce nouveau beau et utile métier, pourtant décrié par plusieurs catégories d’acteurs de l’immobilier ou du cadre bâti?

En effet, comme souvent, il est plus facile d’éclairer les cas litigieux, comme les trains qui arrivent en retard, voir ceux qui sont annulés, comme ce we au pays basque, suite à une coulée de boue entre Bordeaux et Dax !

« Chez QUALIXPERT, nous avons critiqué depuis l’origine le principe du contrôle sur ouvrage « a postériori ». Car que l’on m’explique comment respecter le principe d’équité lors de contrôle de plusieurs opérateurs sur la base de rapports de mission de repérage amiante avant démolition quand seul l’un des immeubles inspectés reste encore debout le jour de la visite de l’examinateur ? De même pour des contrôles aléatoires sur des DA-PP, comment apprécier les conclusions d’un rapport « négatif » différemment de celles attestant de la présence d’amiante ? Quelle part accorder à l’efficience des moyens techniques mis en œuvre ?Nous défendons plutôt le principe du contrôle sur ouvrage « in situ », mais en cours de mission réelle. L’idée est de contrôler 10% des certifiés/an, dans le cadre de l’obligation de surveillance. Les ODI contrôlés seraient soit tirés au sort, soit « pointés » suite à un signalement des utilisateurs ou des autorités de recours ou de contrôles que sont l’ADEME, les ARS ou les DIRECCTES…  

Par contre lors de la recertification, tous les ODI seraient contrôlables, à l’exception de ceux qui auraient été inspectés dans ces conditions lors de la surveillance précédente. Le contrôle sur ouvrage pourrait également se pratiquer sur une « plateforme pédagogique », sécurisée, présentant des sites standardisés, afin d’éviter les écarts dans les appréciations provoqués par des contextes très différents, voire présentant des « dissimilitudes d’ouvrages » risquant de désavantager celui confronté à une situation complexe.

Par ailleurs, début 2020, le dispositif risque le « burn-out général ». Au vrai sens du terme. Les OC devront gérer à minima quatre catégories de « profils » d’ODI. Les impétrants inscrits après le 1erjanvier 2020, soumis au nouveau dispositif global de certification. Les ODI détenteurs de certificats amiante de l’époque transitoire, survenue le 25 juillet 2019 et parmi eux les véritables impétrants, même s’ils seront très peu nombreux, ainsi que les anciens « certifiés sans mentions » ayant décidé d’écraser leur certification en cours de validité pour tenter l’aventure de la certification transitoire « hors mention ». Enfin, il restera le gros de la troupe. Celles et ceux, certifiés selon l’arrêté de 2016, dont les certificats restent en cours de validité, mais invalidés par le dernier arrêté… Ce qui demande aux OC de veiller à ne pas s’emmêler les pinceaux, à maintenir en pression le dispositif administratif et le système qualité dans l’adéquation des critères d’évaluation différenciés. Et cela sans pour autant être en mesure de reporter les couts d’ingénierie sur les prestations, notamment pour la surveillance et la recertification des ODI qui nous font confiance.

Si plusieurs OC jettent l’éponge, ce sera l’effet de panique assuré, le « blast ». D’autant que l’entrée en vigueur du repérage amiante avant travaux, voire l’émergence du repérage plomb avant travaux, du diagnostic global à l’occasion d’un bilan énergétique, laisse entrevoir un accroissement considérable de la demande…Or, il faut constater, que même si des associations représentatives des OC d’une part et des OF d’autre part complètent la composition du générique idéal d’un « blockbuster » dans lequel les principales têtes d’affiches restent les leaders des quatre fédérations ou association de diagnostiqueurs, le réalisateur chargé de la mise en scène est aux abonnés absents. 

Alors, face à ce risque de blocage du dispositif, 20 ans après les prémices de l’émergence du diagnostic immobilier, quelle mesure draconienne pour sauver l’instituteur « ODI » ?

Les risques économiques, mais surtout les enjeux sanitaires prévisibles dans les deux ou trois prochaines décennies, ne devraient ils pas pousser les directions ministérielles à envisager l’organisation d’un Grenelle du Diagnostic Immobilier & du Cadre Bâti ?

Mais dans l’immédiat, ne serait-il pas opportun de repousser la publication de l’arrêté certification globale d’au moins six mois, le temps de mener une concertation élargie et publique ?

Et Benjamin, de préciser : 

« Pourquoi pas. Car à ce stade, aucun taquet réglementaire n’impose une entrée en vigueur des obligations des ODI en matière de certification. Par contre, un nouveau report fragiliserait les OF et les OC qui ont anticipé ces adaptations. Et ce report profiterait aux retardataires.. »

Avant de conclure :

« Dans l’esprit de la consultation récente des OC par la DHUP portant sur le manque à gagner et les débours suite à la suppression des certifications avec ou sans mentions, il faudrait permettre l’octroi d’une indemnisation, sur mémoire justificatif. Chez LCC, c’est au moins un mi-temps de directeur depuis un semestre. »


A suivre…

[i]Organisme de Certification

[ii]Organisme de Formation

[iii]Alain Jacq était directeur adjoint à la DGHUC, direction générale de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction, entre 2003 et 2006. Il a mené la concertation avec les organismes professionnels pour la mise en place de la certification, après la crise assurancielle de 2003.