Pascal Le BIHAN, franc tireur d’élite.

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Interview réalisée le 31 juillet 2019

PORTRAIT DE PASCAL LE BIHAN
Pascal Le BIHAN

Depuis 15 ans Pascal LE BIHAN exerce le métier de Diagnostiqueur Immobilier, au sein du cabinet TEKIMMO (1).

De formation « ingénieur généraliste », Pascal LE BIHAN embrasse cette vocation par gout pour l’immobilier et intervient en Ile de France, comme travailleur indépendant chevronné. Respectueux des directives ministérielles, il s’engage dans la certification. Mais très vite il considère ce dispositif comme inapproprié au domaine du diagnostic immobilier. Et notamment la procédure de recertification.

C’est dans cet état d’esprit qu’il rejoint en 2017 le collectif LDI, se retrouvant pleinement dans la défense de l’exercice de ce métier en tant que professionnel libéral.
Très vite, sa formation initiale lui permet de repérer les écarts réglementaires, notamment les oublis par AFNOR de permettre la consultation gratuité des normes obligatoires.
Sa première action concernera le Fascicule de Documentation FD C16-600 relative au contrôle de l’état de l’installation intérieur d’électricité des immeubles à usage d’habitation, parue le 6 juillet 2015. Il repère que ce fascicule, qui remplace la norme expérimentale, n’est pas accessible gratuitement alors même qu’il était cité dans l’arrêté du 10 aout 2015.

Le combat de Pascal LE BIHAN est à l’époque purement pragmatique: faire respecter la Loi, et agir de bonne foi, comme tout citoyen. C’est donc dans cet état d’esprit qu’il remarque l’absence de possibilité de consulter gratuitement la norme NF EN ISO/CEI 17024 sur laquelle s’appuie le dispositif de certification des diagnostiqueurs depuis son origine.

Mais ce constat est à contextualiser. Même s’il ne participe pas aux divers groupes de travail émergés après 2004, prémices de la création des fédérations de diagnostiqueurs immobiliers, Pascal Le BIHAN subit à son niveau les premiers affres de la re-certification. Il considère que la certification de personne est inadaptée à la situation. « La « certification de personne », au sens de la norme NF EN ISO/CEI 17024, est aveugle à l’entreprise, dont pourtant les procédures, la politique tarifaire, les cadences de travail, les matériels, les logiciels ont une influence prépondérante sur la qualité de la prestation » nous livre-t-il. « Une spécificité du marché du diagnostic immobilier, obligation légale souvent vue comme une charge, est l’existence d’une demande uniquement soucieuse du prix, émanant en particulier des propriétaires vendeurs d’un bien immobilier. Des entreprises, dont le personnel est certifié, satisfont cette demande en bâclant l’ouvrage, réduisant le temps consacré aux missions à un niveau incompatible avec la délivrance d’une prestation de qualité. Car il ne faut se le cacher, la majorité des « clients » recherchent le prix plutôt que la qualité. »

En ce qui concerne le recours contre l’arrêté compétence amiante de juillet 2016, l’argument massue est bien l’absence de consultation gratuite de la norme NF EN/ISO/CEI 17024 fixant les exigences générales pour les organismes de certification procédant à la certification de personnes. Dès le 10 aout 2016, « la Société Tekimmo demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du ministre du logement et de l’habitat durable du 25 juillet 2016« . Et pour argument, Pascal LE BIHAN martèle une des dispositions de l’article 17 du décret du 16 juin 2009 : « les normes rendues d’application obligatoire sont consultables gratuitement sur le site internet de l’Association française de normalisation ».
C’est ainsi que le 24 juillet 2019, déboutant les demandes de rejet formulées par le ministère en charge du Logement, le Conseil d’Etat, jugeant les requêtes recevables, décide que l’arrêté du 25 juillet 2016 et l’arrêté modificatif du 24 février 2017 sont annulés.

Et Pascal Le BIHAN d’insister: « Les arrêtés ne sont pas abrogés, mais annulés. De facto, toutes les obligations en découlant sont inexistantes« . Ainsi, l’arrêté du 21 novembre 2006, abrogé par celui du 25 juillet annulé le jour de son troisième anniversaire, renait de ses cendres…

« Dans les faits, il n’y aura pas de blocage réglementaire, puisque les conditions de la certification initiale sont éprouvées et ne nuisent pas à l’exercice des missions réglementaires édictées par le code de la santé publique » note Pascal LE BIHAN.

Par contre, les conséquences pour les certificateurs, pour les assureurs, pour les marchés publiques sont à ce jour, incontrôlables. En effet, comment interdire aujourd’hui à un opérateur de repérage « certifié sans mention » d’exécuter une mission de repérage avant démolition, ou un examen visuel?

Par ailleurs, l’annulation de l’arrêté du 25 juillet 2016 vient chambouler l’application de l’arrêté du 16 juillet 2019 relatif au repérage amiante avant travaux dans l’immeuble bâti. « C’est un dégât collatéral imprévu, déclare pascal LE BIHAN. « Si l’arrêté du 2 juillet 2018 était entré en vigueur au 1er avril 2019, comme il était initialement prévu, alors que le jugement du Conseil d’État n’était pas intervenu, la requête aurait perdu beaucoup d’intérêt puisqu’elle revenait à demander l’annulation d’un arrêté abrogé. La société Tekimmo aurait alors certainement retiré sa requête. Le report de l’application de l’arrêté du 2 juillet 2018 au 1er janvier 2020 a rendu ce retrait prématuré. ».

Ainsi, l’existence réglementaire de l’arrêté incriminé ayant été prolongée, le Rapporteur Public a pu déposer ses conclusions devant le Conseil d’Etat.

Et le gérant de conclure pour sa part: « Même si l’arrêté du 2 juillet 2018 ne mentionne plus expressément la référence à la norme 17024, la certification reste basée sur son usage. Dès lors, la question de son accessibilité reste entière. AFNOR devra donc statuer sur la gratuité. D’autre part, cet arrêté, qui concerne toutes les certifications réglementaire des diagnostiqueurs, fait l’objet de trois recours, pour des motifs différents« .

Décidément, le second semestre 2019 ne sera pas un long fleuve tranquille, et encore moins une ambiance de guinguette, même au bord de l’AA(2)…

Luc BAILLET, secrétaire de RésoA+

(1) pour tout contact: www.tekimmo.com

(2) L’Aa est un petit fleuve côtier français du Nord de la France, dans la région Hauts-de-France, qui se jette dans la mer du Nord, pour partie canalisé qui traverse les villes de Saint-Omer (Pas-de-Calais) et Gravelines, et est très proche de la Manche. C’est un fleuve très connu des amateurs de mots croisés 

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