La malédiction du diagnostiqueur certifié …

Par défaut

Avertissement: cet article de fond était prévu à l’occasion de la publication de l’arrêté modificatif attendu avant fin 2021, pour éviter la disparition définitive de l’arrêté du 2 juillet 2018 remodelant l’horizon du Diagnostiqueur Immobilier, et notamment les conditions de sa certification professionnelle. Or, suite au coup de gueule de Thierry ORNAQUE, fondateur de GEOCAPA, membre de résoA+, susceptible d’être suspendu sans délai car trop spécialisé en RAAT routiers, nous apprenions que le projet d’arrêté salvateur ne pourrait pas entrer en vigueur avant l’échéance couperet du 1er janvier 2022. Dès lors, il faut s’attendre à une vague de suspension, notamment des plus anciens Opérateur en Repérage Amiante…

Dans le secteur d’activité des immeubles bâtis, le diagnostic amiante est marqué par le cycle de 7 ans.

En 2000, se réunit la Commission X46D, à la demande conjointe des secrétariats chargés de la Santé, du Travail et du Logement, en vue de rédiger une norme sur le « Diagnostic Amiante » dans l’immeuble bâti. La norme sera publiée en novembre 2002 et constituera la règle de l’art pour les missions de repérage des MPCA; et de facto, la trame référentielle pour la délivrance des « attestations de compétence » en repérage amiante, imposée en filigrane par le Code de la santé publique. Mais pas encore par le Code du Travail… Mais déjà, de manière volontaire, la mission « avant travaux » était inscrite dans le socle normatif.

En 2007, l’Etat réagit, suite au risque d’effondrement du dispositif d’inventaire des ouvrages amiantins, consécutif du retrait de la quasi totalité des assureurs. Il choisit alors la « Certification des Opérateurs en Diagnostics Immobiliers », plutôt que l’obligation de formation continue associée à la transmission des rapports à un organisme de contrôle.

RésoA+, co-fondatrice de la Confédération Française du Diagnostic Immobilier choisit ouvertement le camp des réfractaires au principe de la certification, et propose un moratoire suspensif dans l’attente d’un consensus de la société civile et professionnelle.

Entête de la pétition lancée par RésoA+ en juillet 2007.

En 2014, sept ans après la mise en place de la certification limitée aux « diagnostics immobiliers » et un premier bilan du dispositif de certification, le projet de formaliser le repérage amiante avant travaux au sein du code du travail prend forme. A cette époque, les repérages sont soit « volontaires », effectués par les entreprises ou la maitrise d’oeuvre – notamment en marchés publics, lors des études préliminaires au sein de la mission « DIA » – , soit « quasi réglementaires », réalisés par des diagnostiqueurs immobiliers missionnés par des donneurs d’ordre peu scrupuleux, détournant le corpus du « Repérage Amiante Avant Démolition » pour des opérations ne prévoyant pas une disparition de la majorité de la structure de l’immeuble. Ainsi, pour des travaux de rénovation, ces maitres d’ouvrage n’hésitent pas à recourir au « repérage amiante selon la liste C », en laissant croire « qui peut le plus, peut le moins« , et ce bien souvent avec le blanc sein des Inspecteurs du travail…

Une délégation de professionnels membre de RésoA+ est reçue le 17 janvier 2014, par Madame Stéphanie GILARDIN, Chef du Bureau CT2, Risques Chimiques, Physiques et Biologiques, en présence de Madame Clothilde BELFORT WOOD, et de Madame Sylvie LESPERPT.

Pour résoA+, Didier LACOUR interviendra au titre de CSPS, Guillaume GAIGNARD au titre de Diagnostiqueur Immobilier et Luc BAILLET au titre d’architecte.

Le sujet de la mission de diagnostic amiante avant travaux est abordée, car il apparait que celle-ci perturbe les missions d’études préliminaire, lors d’opération de réhabilitation menés par la maitrise d’oeuvre, et notamment par des architectes, voire les échanges avec les Coordonnateurs SPS.

La question de la certification des « Opérateurs de repérage Amiante » est posée. La réponse publiée au compte rendu officiel dressé par résoA+ est significative:

« Il n’est pas envisagé à ce jour de dispositif de certification des opérateurs de repérage amiante avant travaux. Il est déjà difficile de trouver une opportunité et un consensus interministériel pour introduire la notion précise de diagnostic avant travaux dans le code du travail; le recours à une certification viendra peut être ultérieurement.« 

Extrait du compte rendu de l’entretien du 17/01/2014 –

Effectivement, le texte du décret modifiant le code du travail pour y intégrer le fameux « repérage amiante avant travaux ultérieurs » – locution de 14 ans d’âge, apparue dès 2000, dans les échanges des rédacteurs de la norme X46-020 – subira deux défaites avant d’être introduit in extrémis le 9 mai 2017, au surlendemain des élections présidentielles, dans la cavalcade des affaires non soldées…

Rappelons en effet, que le « repérage amiante avant travaux » est entré dans la loi par la petite porte, porté par un cavalier législatif, à savoir la création de l’article L.4412-2 du Code du Travail, via l’article 113 de la « Loi du 8 aout 2016, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professonnels« 

En vue de renforcer le rôle de surveillance dévolu aux agents de contrôle de l’inspection du travail, le donneur d’ordre, le maître d’ouvrage ou le propriétaire d’immeubles par nature ou par destination, d’équipements, de matériels ou d’articles y font rechercher la présence d’amiante préalablement à toute opération comportant des risques d’exposition des travailleurs à l’amiante. Cette recherche donne lieu à un document mentionnant, le cas échéant, la présence, la nature et la localisation de matériaux ou de produits contenant de l’amiante. Ce document est joint aux documents de la consultation remis aux entreprises candidates ou transmis aux entreprises envisageant de réaliser l’opération. 
Les conditions d’application ou d’exemption, selon la nature de l’opération envisagée, du présent article sont déterminées par décret en Conseil d’Etat.

Le décret d’application 2017-899 du 9 mai 2017 précisera dans son article 1er, les contours de la mission, renvoyant clairement les spécificités de chacun des 6 domaines d’activité, dans des arrêtés spécifiques :

II – La recherche d’amiante est assurée par un repérage préalable à l’opération, adapté à sa nature, à son périmètre et au niveau de risque qu’elle présente. 
« Les conditions dans lesquelles la mission de repérage est conduite, notamment s’agissant de ses modalités techniques et des méthodes d’analyse des matériaux susceptibles de contenir de l’amiante, sont précisées par arrêtés du ministre chargé du travail et, chacun en ce qui le concerne, des ministres chargés de la santé, de la construction, des transports et de la mer, pour les domaines d’activité suivants : 
« 1° Immeubles bâtis ; 
« 2° Autres immeubles tels que terrains, ouvrages de génie civil et infrastructures de transport ; 
« 3° Matériels roulants ferroviaires et autres matériels roulants de transports ; 
« 4° Navires, bateaux et autres engins flottants ; 
« 5° Aéronefs ; 
« 6° Installations, structures ou équipements concourant à la réalisation ou la mise en œuvre d’une activité. 

« III.-Les arrêtés mentionnés au II précisent à quelles conditions les documents de traçabilité et de cartographie disponibles ou les recherches d’amiantes effectuées en application des lois et règlements ou à l’initiative des intéressés sont regardés comme satisfaisant à l’obligation de repérage. 

C’est donc le 19 juillet 2019, avec plus de 4 mois et demi de retard, que l’arrêté RAAT immeuble bâti entra en vigueur. Et son article 4 de préciser la qualification de l’opérateur de repérage amiante:

« Pour réaliser la mission de repérage de l’amiante définie à l’article 3 du présent arrêté, l‘opérateur de repérage dispose de la certification avec mention prévue à l’article 2 de l’arrêté du 25 juillet 2016 pris en application des articles R. 271-1 du code de la construction et de l’habitation et R. 1334-23 du code de la santé publique.
Préalablement à la réalisation de toute mission de recherche avant travaux de l’amiante, l’opérateur de repérage est formé à la prévention contre les risques d’exposition à l’amiante, en sa qualité d’intervenant relevant du 2° de l’article R. 4412-94 du code du travail, selon les modalités définies par l’arrêté prévu à l’article R. 4412-117 du code du travail.
Il possède également les compétences lui permettant de procéder à l’estimation de la quantité de matériaux et produits contenant de l’amiante, selon les modalités définies par l’annexe I de l’arrêté du 19 décembre 2011 relatif au diagnostic portant sur la gestion des déchets issus de la démolition de catégories de bâtiments, de manière à permettre au donneur d’ordre d’évaluer les quantités prévisibles de déchets amiantés et d’apporter des conseils sur les modalités d’élimination des déchets. »

La boucle semblait donc bouclée, et la cohorte d’opérateurs de repérage amiante avant travaux pouvait se constituer…

Mais c’était sans compter sur l’impréparation de ce chamboulement… Car depuis l’origine de la certification des « diagnostiqueurs immobiliers », le corpus pédagogique encadrant la formation initiale, la certification des ODI et l’accréditation des Organismes de certification était forgé uniquement par le duo directionnel DHUP & DGS, bref par les scribes de la santé et le logement… en absence du légendaire Bureau CT2!

A suivre…